All night isn't long enough to party

Oh, mais qui aurait imaginé que tu finirais ainsi, petite fleur ? C’était le nom que te donnait ta mère  lorsqu’elle était toujours en vie, petite fleur. Ton père possédait un véritable empire financier et tu étais la seule héritière de tes parents. Tu étais choyée, voir un peu trop. À ce moment-là, tu croyais encore aux contes de fées, aux histoires de princes charmants et de méchantes sorcières. Mais tu t’es vite désillusionnée. Petite Evanora, tu as perdue ta maman si jeune, si jeune. Tu n’avais que huit ans, tu jouais encore avec tes poupées et tes robes de dentelles. Et soudainement, tu es entrée dans un univers différent. Dans les contes de fées, les méchants meurent, pas les gentils. Les mamans ne meurent pas. Le cancer n’existe pas. Et pourtant, c’est lui qui a emporté ta maman. Avec elle, il a aussi prit la moitié de ton père.

La moitié qui restait de ton papa s’est plongée dans l’alcool. Tu pleurais ta mère, mais tu aurais tellement voulu avoir ton papa pour te consoler. Cependant, il ne pouvait même pas se consoler lui-même. Pauvre, pauvre papa… Ce n’était pas ta faute, pas ta faute du tout, si tu lui rappelais ta mère. Mais il t’en a quand même accusé, il t’a quand même frappée pour cela. Bien sûr, le lendemain, il s’en voulait, il s’excusait, pleurait, t’achetait un poney, une robe ou un bijou. Mais il recommençait toujours. Tu commençais à t’en vouloir, à te dire que c’était vraiment ta faute si ton père avait aussi mal. Puis il a fait ce qui vous a séparé à jamais. Il t’a vendu. Et aucun prince charmant n’est venu te sauver sur son cheval blanc.

Cinq ans après la mort de ta mère, la compagnie de ton père connu un important problème financier. Tout a coup apparu la possibilité de perdre tout ce que vous aviez, de faire faillite. Ton père ne pouvait supporter cela en plus de la perte de sa femme. Il était résolu à tout faire pour l’empêcher. Un de ses bons amis, aussi propriétaire d’une entreprise florissante et milliardaire de surcroit, lui proposa alors une offre. Il lui prêterait l’argent pour remettre à flot sa compagnie et en échange, tu marierais son fils aîné. Steven avait un peu plus de vingt ans de plus que toi. C’est ainsi que tu l’épousas huit ans plus tard, le jour même de tes vingt et un ans. Ton père était de nouveau richissime et il n’éprouvait aucun remord d’avoir vendu ta main à un homme que tu n’aimais pas.

Mais tu n’avais cure de ne pas aimer Steven. Ton père t’effrayait, petite fleur, tu voulais mettre le plus de distance entre lui et toi. Il avait cessé de s’excuser, cessé de te faire des cadeaux, il se contentait de te battre. Les hommes plus vieux que toi t’effrayaient, tu tremblais à tout simplement en entendre un élever la voix. Mais pas Steven, lui, ne t’effrayait pas. Tu aurais pu tomber amoureuse de lui si tu lui avais donné une chance, mais tu ne souhaitais pas la lui donner. Tu voulais vivre ce qu’on t’empêchait de vivre. Tu voulais sortir, faire la fête, aller à l’école, travailler. Tu voulais devenir actrice, petite fleur. Tu voulais faire rire et pleurer les gens. Tu voulais avoir des enfants. Mais Steven n’en voulait pas. Il ne voulait pas que tu sortes, il ne voulait pas que tu travaille. Oh, mais tu sortais quand même. Tu savais qu’il voyait d’autres femmes, il ne s’en cachait pas. Toi aussi tu voyais d’autres hommes, des plus jeunes. Tu aimais bien ceux qui étaient tout juste sur la limite, les tout justes majeurs. Le temps passait et l’âge de tes amants n’augmentait jamais. Oh, mais tu étais assez belle pour intéresser jeunes et vieux. Tu étais si belle, petite fleur. Et eux te faisaient sentir si jeune, si belle, si désirée.

Puis ton père est mort. Tu as hérité de tout, absolument tout. Tu as tout vendu, son entreprise, sa maison, tout. Tu ne voulais de rien qui pourrait le rappeler à ta mémoire, sauf son argent. Car tu aimais tellement l’argent. Jusqu'à ce jour, tu avais toujours dépendu de celui de Steven, mais plus maintenant. Tu avais ta propre fortune, petite fleur.

Tu avais atteint un genre d’équilibre, sans être heureuse, tu te plaisais néamoins la majorité du temp dans ta situation. Puis le cancer, à nouveau. Steven est mort, il y a deux ans d’aujourd’hui. Au début, tu t’es sentie libérée, enfin tu pourrais faire tout ce que tu voulais. Mais il était trop tard pour une femme de trente-sept ans. Trop tard pour les études, trop tard pour recommencer une vie. Tu n’en avais pas la force. Puis le poids de ta solitude t’a frappé. Même si tu enchaînais les amants, aucun ne restait jamais bien longtemps. Tu étais si seule dans ce grand manoir. Tu l’es toujours. Combien de nuit as-tu passées à pleurer ? Combien de fois t’es-tu saoûlée jusqu’à ne plus rien ressentir ? Oh, petite fleur, tu es si seule, si misérable dans ta maison trop grande avec bien trop d’argent pour tes seuls besoins. Parfois, tu ferme les yeux, et tu rêve. Tu imagine une petite maison de campagne, un mari travaillant et aimant, deux ou trois enfants, un énorme chien. Puis tu ouvre les yeux sur le vide, pas de mari, pas d’enfants, pas de chien. Alors tu remplis ce vide comme tu peux. L’alcool, le sexe, les jeux d’argents. Cela ne dure qu’un instant, mais, au moins, tu te sens vivante. Tu as l’impression d’exister.